Le chien et l’enfant : quels risques ?

La majorité des accidents impliquant un enfant et un chien ont lieu dans le cercle familial ou avec un chien connu de l’enfant, chien généralement amical par ailleurs.
Que se passe-t-il donc pour que le chien morde l’enfant qui ne lui voulait pas de mal ?
– Le chien est un animal qui communique dans sa «langue», il envoie des signaux souvent inconnus de l’enfant ou ignorés. S’il se sent menacé il peut mordre.
– L’enfant, selon son âge, peut avoir des comportements inattendus et faire peur ou mal au chien.
– Quant au chien, il peut être de tempérament craintif, irritable parce qu’il a mal, agacé par le comportement de l’enfant ou n’avoir pas été correctement préparé à côtoyer des petits d’homme.

Bien que certaines races soient réputées «gentilles avec les enfants» aucun chien ne peut être garanti sans risques et c’est de celles-ci que l’on se méfie le moins.

La cohabitation enfant/chien demande aux adultes certaines connaissances sur le mode de communication du chien, ses besoins, les situations à risques. La difficulté d’interprétation des signaux émis par le chien en direction des humains est parfois source de malentendus, de mauvaises réactions de ces derniers et la conséquence pourra être la morsure en dernier recours.
Même si les relations entre enfant et chien sont le plus souvent excellentes et bénéfiques, les adultes devront toujours faire preuve de prudence et de vigilance. L’enfant ne devra jamais rester seul en compagnie du chien, surtout tant qu’il n’a pas un certain âge, tant qu’il n’a pas appris à le respecter, et tant qu’il ne sait pas le «lire».

 

Maman… Titou m’a mordu !

Une histoire comme beaucoup d’autres, bien réelle : «Titou dort sur les genoux de la grande sœur, qui regarde la télé. C’est un adorable et gentil petit chien. C’est alors que le petit dernier de la famille arrive et va vite faire un bisou à Titou avant de se coucher… et c’est le drame ! Titou a mordu sévèrement les lèvres du gamin et personne n’a rien vu. Direction les Urgences…
Incompréhension des parents, du gamin. Puis surtout : peut-on encore faire confiance au chien ?»
Et si nous donnions la parole à Titou ? Il nous dirait peut-être ceci : «Je dormais bien et tout d’un coup je me suis senti serré très fort. J’ai eu peur et j’ai attrapé sans réfléchir ce qui était sur ma tête. Je lui avais pourtant dit plusieurs fois que je n’aimais pas trop les bisous et qu’il fallait me prévenir avant.»

Analysons ce qui s’est passé :
Le chien a été surpris, il n’a pas vu venir l’enfant. Il a eu peur car subitement bloqué, pas de fuite possible. Il s’est retrouvé en mode «défense automatique» et son cerveau a commandé le coup de dent sans que le chien n’ait eu un seul instant pour réfléchir.
Si le chien avait été prévenu de l’arrivée et des intentions amicales de l’enfant, il aurait probablement accepté l’étreinte et le bisou. Cependant, un autre enfant en visite et voulant faire de même aurait peut-être été mal accueilli par le chien. Le chien aurait alors «dit» à l’enfant qu’il n’aime pas du tout être abordé ainsi : il aurait retroussé les babines et grogné pour faire reculer l’enfant. Mais si cet enfant avait alors ignoré l’avertissement, le chien aurait pu poursuivre la séquence comportementale en «criant» à l’enfant de reculer (grognements plus forts, claquement des dents dans le vide, voire pincement) puis morsure si aucune fuite possible.

De nombreuses autres raisons peuvent amener un chien à mordre : la douleur (le chien ne montre pas facilement qu’il a mal), l’irritation, le fait d’être acculé ou bloqué (ex : le petit chien dans les bras).

 

Une relation chien-enfant différente selon l’âge de l’enfant

Le jeune enfant

L’enfant de moins de 3 ans, voire 5 ans, est incapable de comprendre le langage du chien. Il aura des réactions imprévisibles, malgré tous les conseils prodigués par les parents. Il risque de se faire mordre parce qu’il aura ignoré les signaux avertisseurs émis par le chien.

Ce qu’il faut retenir :
  • Le chien n’est pas une poupée ou une peluche vivante ; l’enfant peut faire mal au chien sans en avoir conscience et sans que l’adulte présent puisse toujours l’empêcher. L’adulte doit retenir l’enfant et empêcher tout mouvement que le chien pourrait prendre pour une agression.
  • Le chien est rarement à l’aise avec les jeunes enfants ; il peut en avoir gardé de mauvais souvenir et être tendu à l’approche de l’enfant. Ce chien devra être invité par l’enfant à venir vers lui, s’il le veut bien. Si le chien ne veut pas approcher l’enfant, ce dernier peut être facilement contrarié et vouloir forcer le contact… Situation à risques !
  • Le chien doit toujours être libre de partir. Il ne doit jamais être bloqué (tenu) par une personne, retenu par une laisse, réfugié dans une cage ou sous un meuble, tenu dans les bras ou acculé dans un coin. Il doit pouvoir partir si la situation l’inquiète. Forcer le contact fait courir de grands risques.
  • Veiller à ce que la tête de l’enfant ne soit jamais au-dessus de celle du chien mais reste à une distance raisonnable (la bulle de confort !) L’enfant n’enserre pas le chien, ne le bloque pas (mais il peut se blottir contre lui si celui-ci ne manifeste aucune attitude d’inconfort). Attention aux bisous !
  • Ne jamais laisser l’enfant aller vers le chien qui dort ou qui mange. Il faut cependant habituer le chien à ne pas craindre que l’enfant passe près de lui et apprendre à l’enfant à ignorer le chien quand il est dans son panier et quand il mange.

L’enfant de 6 à 10 ans

C’est l’âge des jeux entre le chien et l’enfant. L’enfant peut comprendre les mises en garde des adultes mais n’en tiendra pas toujours compte. Le rôle de l’adulte est d’éduquer l’enfant au respect du chien (et de tout animal) et de lui apprendre à décrypter tous les signaux envoyés par le chien. Il doit apprendre le langage du chien. Un bon livre pour vous aider : «Les signaux d’apaisement» de Turid Rugaas.
L’adulte doit toujours garder un œil sur l’enfant lorsque celui-ci est avec le chien, même s’il s’agit d’un petit chien bien gentil ou d’un gros nounours placide. Le chien n’est pas forcément tolérant parce qu’il a un enfant en face de lui. Au contraire, il se doit d’être vigilant parce que l’expérience lui a appris qu’un enfant a des réactions souvent imprévisibles.

Les conseils concernant les jeunes enfants sont toujours valables, mais l’enfant devra apprendre et appliquer certaines règles :
  • Prévenir le chien avant tout contact, l’appeler par son nom pour ne pas le surprendre. Si ce n’est pas le chien de la famille, demander d’abord si son maître autorise la rencontre.
  • Inviter le chien à venir vers soi plutôt que d’aller au contact du chien, surtout s’il s’agit d’un chien inconnu. Le chien ne se sentira pas agressé puisque libre.
  • Demander au chien s’il accepte le contact : lui présenter doucement les mains pour qu’il puisse les sentir et savoir si l’enfant vient amicalement ou s’il a peur.
  • Si le chien grogne et retrousse les babines, l’enfant doit se retirer immédiatement.
  • Ne pas d’emblée caresser le chien sur la tête ou sur le dos mais commencer par caresser le chien sur les côtés, derrière les oreilles. Un chien inconnu ne sera jamais caressé sur la tête ou le dessus du dos par l’enfant.
  • Ne pas jouer brutalement et jamais avec les pieds.
  • Ne pas crier ni courir car le chien va réagir en animal et essayer d’immobiliser ou faire taire l’enfant en lui sautant dessus et en le pinçant. Le chien a du mal à se contrôler dans ce cas. Si le chien n’a pas été habitué à vivre avec des enfants ou s’il est facilement excitable, le risque de morsure est grand.
  • Ne pas jouer à se battre avec les copains. Le chien ne prendra pas cela pour un jeu et réagira en chien : il risque de mordre sans réfléchir.
  • Ne pas sortir de force un jouet (ou tout autre « trésor ») de la gueule du chien mais proposer de l’échanger contre un autre jouet ou une friandise.
  • Le chien n’est pas une poupée, il ne doit pas être contraint de se laisser habiller ou porter par l’enfant mais doit toujours avoir la liberté de s’en aller.

L’enfant de 11 ans et plus

Au début de cette période, l’attachement entre le chien et l’enfant peut parfois être très fort, fusionnel. Puis vient le temps des sorties avec les copains et copines, du temps passé devant les écrans… et le chien passe alors bien souvent au second plan.
La sortie du chien peut devenir une corvée… Quand la promenade en laisse se fait en compagnie des copains, le chien peut être livré à lui-même, ou alors être l’objet de paris stupides entre les jeunes, avec tous les risques de morsures qui peuvent en découler ou de maltraitance du chien.
Les parents doivent observer le comportement du chien avant de départ, au retour : le chien doit être content… La vigilance est donc toujours de rigueur.
Le jeune peut prendre beaucoup de plaisir à faire un sport canin avec son chien.

 

Et quand le chien est un jeune chiot ?

L’enfant joue avec ses mains… le chiot joue avec ses dents ! L’adulte doit apprendre très vite au chiot à doser la pression de ses mâchoires et l’inhibition de la morsure (à ne pas mordre la peau humaine quoi qu’il arrive). Si l’enfant est harcelé par le chiot, l’adulte doit aider l’enfant (car celui-ci est généralement incapable de s’immobiliser comme il le faudrait) en rappelant le chiot, ou mieux en lui apprenant très vite à laisser sur demande («tu laisses»). Le chiot ne doit pas être puni parce qu’il a sauté sur l’enfant : il pourrait prendre l’enfant en grippe… et l’enfant pourrait vouloir imiter l’adulte qui a frappé ou puni le chiot et faisant de même à son tour.
Comme le chiot a de petites dents pointues qui font mal, l’enfant a naturellement tendance à retirer vivement sa main chaque fois que le chiot veut l’attraper. La main devient alors un super jouet pour le chiot, à la manière d’un yoyo qu’il faut vite saisir avant qu’il ne remonte. Et si le chiot arrive à accrocher la main, cela fait mal… Cris, pleurs… ce qui pourrait même exciter encore davantage le chiot si l’adulte n’arrive pas très vite à stopper ce jeu qui tourne mal. Il est difficile de demander à un enfant de rester stoïque, la main dans la gueule du chiot, et c’est pourtant ce qu’il faudrait faire.
C’est pourquoi, durant toute la période de croissance du chiot, les adultes doivent être très vigilants et ne faire confiance ni au chiot ni à l’enfant ! Ils ont la responsabilité de la bonne éducation du chiot.

Ce sont les très nombreuses occasions de contacts agréables entre les enfants et le chiot (et ceci dès son plus jeune âge) qui vont habituer celui-ci au comportement particulier des enfants. Ce n’est que si ces interactions avec les enfants sont vécues positivement par le chiot que ce dernier pourra faire preuve de tolérance vis-à-vis des enfants.

 

L’enfant et le chien : ils vivent ensemble mais ne parlent pas la même langue !

Pour communiquer, il faut se comprendre !
Le chien est un animal qui a, depuis des milliers d’années, choisi de vivre à proximité ou avec les humains. Il a développé pour cela des capacités d’adaptation phénoménales.
L’humain s’exprime surtout par le langage et analyse les situations au moyen de ses sens : la vue et l’ouïe, le toucher, l’odorat, le goût.
Le chien s’exprime par ses postures, ses mimiques, quelques sons et les traces odorantes qu’il émet volontairement. Il analyse les situations au moyen de tous ses sens à la fois : l’odorat (évalué à 1 million de fois supérieur au nôtre), l’ouïe (il perçoit une gamme de sons beaucoup plus étendue que ce que perçoit un humain), la vue (un champ de vision plus étendu, une détection très performante des mouvements, il voit mieux la nuit), le toucher (le pourtour de la gueule et le dessous des pattes surtout), le goût (moins performant que celui de l’homme)…
Animal social, le chien communique très bien avec ses congénères et tente de communiquer avec nous de la même manière. C’est à l’humain d’apprendre à décrypter le langage du chien, tout comme il apprendrait une langue étrangère. A l’inverse, pour être compris du chien, l’humain doit s’exprimer en utilisant, dans la mesure du possible, la « langue » canine : postures et gestes, expressions du visage, intonation des mots et des phrases.
La gestuelle humaine est souvent inconsciente mais le chien, en fin observateur qu’il est, apprend vite à la déchiffrer (en retenant ses conséquences immédiates pour lui).
Les odeurs corporelles (que nous ne percevons souvent pas) ne sont pas utilisées dans la communication humaine (d’ailleurs nous prenons souvent soin de les masquer) mais ces odeurs informent le chien sur notre état émotionnel. Ceci il ne faudra pas l’oublier.
Chiens et humains ressentent des émotions et c’est bien ce qui les rend si proches. La peur, la joie, l’inquiétude, la tristesse, la colère, la surprise… sont ressenties et exprimées aussi bien par les humains que par leurs compagnons canins.

 

A chacun sa bulle…

Tout comme les humains, le chien n’aime pas du tout qu’on l’approche trop rapidement ou par surprise. Certains supporteront mieux que d’autres les bisous, les manipulations vives. Mais qui donc apprécierait d’être serré et embrassé vivement par n’importe qui ? C’est pourtant ce qui arrive si souvent au chien.
On peut parler à ce sujet d’une bulle de confort que chacun, humain ou chien, a autour de soi. C’est une zone dans laquelle nul n’a l’autorisation d’entrer sans respecter certaines règles, et doit rassurer quant à ses intentions bienveillantes. Cette bulle de confort personnelle est plus ou moins grande selon le tempérament du chien et ses dimensions sont surtout le résultat de ses expériences passées, bonnes ou mauvaises.
Tout ceci va permettre de mieux comprendre pourquoi les accidents arrivent et surtout comment les éviter.

 

Mais que nous dit le chien ?

Le chien nous parle… encore faut-il comprendre ce qu’il nous dit. L’enfant doit apprendre à « lire » son chien avant d’entrer en contact avec lui. Les retroussements de babines (accompagnés ou non de grognements) signifient que l’enfant est entré de force dans la bulle du chien et qu’il doit se retirer très vite. Lorsque le chien retrousse les babines, il découvre ses dents. En somme il montre ses armes et prévient qu’il pourrait bien s’en servir. Il ne faut donc jamais empêcher un chien de retrousser les babines et grogner, même si on n’est pas d’accord. Il a ses raisons, il prévient.
Le chien envoie encore d’autres signaux montrant son inconfort, sa peur ou sa contrariété. Les adultes doivent être de fins observateurs et apprendre aux enfants à comprendre ce que veut dire le chien.

 

 

 

 

Un enfant éduqué à respecter le chien ainsi qu’un chien bien préparé dès son plus jeune âge à vivre avec les enfants pourront développer tous deux une belle relation amicale et confiante. Le rôle des parents est déterminant.

 

 

 

 

En savoir plus : www.chien-visiteur.fr/enfant.php

Voir aussi l’article écrit par Nicole, à destination des enfants : Urkie parle aux enfants

Simone, février 2016