Dysplasie de la hanche et du coude

La dysplasie coxo-fémorale : où en est-on ?

La dysplasie coxo-fémorale, plus communément appelée dysplasie de la hanche, est une affection de l’appareil ostéoarticulaire particulièrement répandue dans l’espèce canine. Elle affecte préférentiellement les races de grande taille à croissance rapide.

C’est une maladie génétique et exclusivement génétique, et de ce fait, transmissible à la descendance. Des facteurs extérieurs appelés environnementaux peuvent moduler l’extériorisation et l’intensité des signes cliniques mais ne sont en aucun cas eux­ mêmes la cause de la maladie.
Le meilleur traitement est préventif et consiste à dépister les chiens reproducteurs et à écarter les animaux atteints du circuit de la reproduction.
J’avais déjà consacré trois articles sur ce sujet dans le bulletin, le premier datant de 2005. Depuis les critères de lecture des radiographies des hanches ont été revus en 2006 puis en mai 2022 à la suite des progrès apportés par la diffusion des clichés numériques et les outils informatiques d’aide à leur interprétation. Il était donc intéressant de reprendre le sujet.

DÉFINITION ET GÉNÉRALITÉS

Le comité scientifique de la FCI définit la dysplasie coxo­ fémorale comme suit:Trouble du développement de la hanche correspondant à une instabilité de l’articulation qui détermine à plus ou moins long terme une déformation des surfaces articulaires et l’installation d’un processus arthrosique.
Une articulation est le point de rencontre entre deux os, unis entre eux par des ligaments, et destinés à être mobiles l’un par rapport à l’autre. Elle est entourée d’un manchon protecteur appelé capsule articulaire. Les surfaces osseuses en contact sont appelées surfaces articulaires et sont recouvertes d’un cartilage destiné à faciliter les mouvements des os entre eux, l’ensemble baignant dans un liquide appelé liquide synovial et

qui fait office de lubrifiant. Une articulation dysplasique est une articulation qui a subi une anomalie dans son développement. Les mouvements y sont anormaux engendrant des contraintes mécaniques inhabituelles sur les os qui la constituent, d’où une usure prématurée de leurs surfaces articulaires et le développement d’une arthrose précoce se traduisant cliniquement par une douleur et une boiterie plus ou moins handicapantes pour l’animal.

L’articulation coxo-fémorale unit le fémur à l’os coxal, ce volumineux os qui forme le bassin. L’os coxal est creusé d’une cavité appelée acétabulum (également appelé cotyle notamment en médecine humaine) dans laquelle s’emboîte complètement la tête du fémur. Celle-ci est attachée au fond de l’acétabulum par un ligament unique appelé ligament rond. L’articulation est entourée d’une capsule, première victime de la dysplasie.
Le point de départ de la maladie est une hyper laxité de l’articulation et principalement, une hyper laxité de la capsule articulaire. Cela signifie que la capsule articulaire voit sa capacité à être étirée nettement augmentée car sa fermeté a été altérée. Le ligament rond n’est quant à lui que peu concerné, son rôle se limitant principalement à celui d’un amortisseur pour absorber les chocs entre la tête du fémur et l’acétabulum. Il en résulte que, lors des mouvements des pattes arrière, la tête fémorale ne reste pas à sa place au fond de l’acétabulum mais a, en permanence, tendance à en sortir: on parle de mouvements de subluxation. Ce sont ces mouvements anormaux qui seront à l’origine de l’usure et de la déformation prématurée des surfaces articulaires, notamment au niveau des rebords de la cavité acétabulaire (encore un autre vocable pour désigner l’acétabulum) et de l’apparition de l’arthrose.

LA DYSPLASIE COXO-FÉMORALE, MALADIE GÉNÉTIQUE À EXPRESSION PHÉNOTYPIQUE VARIABLE.

Avant d’aborder les deux chapitres à venir, deux définitions méritent d’être rappelées.
On appelle génotype l’ensemble des gènes présent dans les cellules de l’organisme. Il n’est visible qu’en laboratoire. Une grande partie de ces gènes reste silencieuse. Seuls quelques gènes vont s’exprimer, conférant à chaque être vivant ses caractéristiques propres visibles à l’œil nu. L’ensemble de ces caractéristiques observables constitue le phénotype, la partie visible de l’iceberg. Mais ce qui est silencieux continue de se transmettre à la descendance pour ne parfois prendre la parole que bien des générations plus tard.
Il est à présent unanimement admis que la dysplasie de hanche, comme celle du coude d’ailleurs, est d’origine génétique et exclusivement génétique, donc transmissible à la descendance.
Malgré les nombreux progrès effectués en génétique canine, beaucoup de points restent à ce jour sans réponse et, malgré quelques coups de pub émanant de certains laboratoires, aucun test de dépistage génétique fiable n’est disponible à ce jour. Le sera-t-il un jour? Pas sûr!
Le mode de transmission répond aux lois de la génétique quantitative. Il était classique de le qualifier de multigénique à seuil. Multigénique signifie que plusieurs gènes sont concernés. La notion de seuil sous-entend qu’il faut que le nombre de gènes présents chez l’animal et codant pour la dysplasie soit supérieur à un certain total pour que l’animal soit dysplasique. Le caractère multigénique reste aujourd’hui admis mais sans qu’on sache combien de gènes sont concernés, quelles sont les interactions entre ces gènes ni s’ils ont tous le même« poids».
Faut-il oublier la notion de seuil? Aucune réponse à ce jour. Des travaux effectués chez le Berger Allemand laissaient à penser qu’il existait, dans le pool des gènes codants, un gène majeur dont la présence seule conférait à l’animal qui le portait le génotype dysplasique. Un test génétique avait même été commercialisé. Cette théorie n’est pour l’heure plus d’actualité, le test s’étant par ailleurs avéré non fiable.
Certains pensent qu’il existe deux types de gènes codants. Des gènes communs à tous les chiens et d’autresayant une spécificité raciale. Un vaste programme de recherche multidisciplinaire a été débuté par l’équipe de génétique canine du Dr. Catherine André (CNRS- Université de Rennes 1), programme qui fit l’objet d’une visioconférence avec le RCF en 2022.
Après avoir effleuré le génotype, venons-en à ce qui est visible, le phénotype dysplasie. J’avais écrit que cette maladie était une maladie génétique à expression phénotypique variable. En effet, certains facteurs extérieurs, appelés facteurs environnementaux, vont pouvoir influencer l’apparition des signes cliniques de dysplasie et leur intensité. Ils peuvent influencer, faire varier le phénotype dysplasie. Nous avons bien dit influencer et non provoquer ou faire disparaitre.Le génotype dysplasique est présent ou pas chez un individu donné, seule son expression clinique peut être modulée chez cet individu. D’où la notion d’héritabilité.

L’HÉRITABILITÉ

L’héritabilité est une donnée statistique relative à une popula­ tion, en l’occurrence ici, à une race canine.Sa valeur relève d’un calcul mathématique. Elle représente le« poids» des facteurs génétiques dans l’expression clinique de la maladie héréditaire concernée. Elle explique de ce fait la variabilité des phénotypes entre individus ayant un patrimoine génétique identique. Elle varie de O à 1 et est souvent exprimée en pourcentage.
Une héritabilité à 1 (100%) signifie que les facteurs environne­ mentaux sont incapables d’influencer l’action des gènes. À l’in­ verse, une héritabilité à zéro signifie que la pathologie n’est pas génétique.
On considère qu’une maladie a une héritabilité forte si elle est supérieure à 0,40 (40%), moyenne pour une valeur comprise en 0,40 et 0,25 (40% et 25%) et faible si elle est inférieure à 0,25 (25%). La valeur de l’héritabilité varie selon les races mais aussi selon les auteurs.
Concernant la dysplasie coxofémorale, nous retiendrons les chiffres donnés par l’OFA (Orthopedic Foundation fot Animals). Ceux-ci sont calculés à partir des clichés radiographiques standards réalisés selon la procédure de dépistage officielle validée par la FCI:

  • Le Chesapeake Bay: 0,56.
  • Le Flatcoated: 0,49.
  • Le Golden : 0,65.
  • Le Labrador: 0,59.
  • Le Nova Scottia: 0,64.

Nous ne disposons malheureusement pas de chiffre pour ce qui est du Curlycoated.

LES FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX

Parmi les facteurs environnementaux on retiendra:
La race : Elle joue un rôle indéniable et important. Le facteur racial s’exprime au travers de l’angle entre l’axe des membres postérieurs et la colonne vertébrale ainsi que par la masse des muscles fessiers et plus précisément, leur masse relative par rapport à la masse corporelle totale (ce point explique probablement que les races de lévriers ne soient pas touchés par la dysplasie). Ces deux facteurs sont certes en partie déterminés par les facteurs exercice physique et alimentation mais aussi, en tant que caractéristique d’une race donnée, par des facteurs génétiques propres.

L’alimentation : C’est le facteur qui a donné lieu au plus grand nombre de travaux. Elle joue un rôle indiscutable et l’impact négatif d’une alimentation trop riche en protéines et en calcium pendant la période de croissance est aujourd’hui parfaitement reconnu. Allant dans le même sens, et en partie dépendant de l’alimentation, on citera aussi une prise de poids trop rapide et trop importante.

L’exercice physique : Il a toujours été montré du doigt. Or aucune étude précise n’a jamais été réalisée sur ce point. Un élément déjà évoqué parait cependant crucial : le bon développement des muscles fessiers. Pourquoi? Comme cela a été dit plus haut, la dysplasie se caractérise par une hyper laxité qui tend à faire sortir la tête fémorale de l’acétabulum (on parle d’hyper laxité active). Des muscles fessiers bien développés vont exercer une force contraire en plaquant et en stabilisant la tête fémorale au fond de l’acétabulum. L’hyper laxité n’est pas supprimée mais son intensité et ses effets délétères contrecarrés (on parle à présent d’hyper laxité passive). Le bon sens veut donc qu’on propose au chiot, pendant sa phase de croissance rapide, des exercices réguliers, sans excès et surtout, des exercices sans caractère brutal afin de n’engendrer aucune contrainte excessive su son squelette.

La stérilisation chirurgicale précoce : Ce facteur est d’émergence assez récente. Suspectée depuis plusieurs années, l’influence négative de cette chirurgie, si elle est pratiquée précocement, semble clairement ressortir de plusieurs travaux récents. Il faut le redire une fois de plus, cette chirurgie, pratiquée trop tôt, ne provoque pas l’apparition de la dysplasie, mais qu’elle constitue un facteur favorisant l’expression clinique d’une dysplasie chez un chiot génétiquement prédisposé. Le mécanisme n’est en rien lié à la prise de poids que peut engendrer cette chirurgie mais à un phénomène hormonal qui ne sera pas détaillés ici. On citera juste cette étude de 2020 menée par l’équipe de Bejamin L. Hart qui portait sur 33 races dont le Golden et le Labrador. Pour ce qui est du Golden, la fréquence retrouvée de dysplasie était, chez les animaux intacts de 5% chez les mâles et de 4% chez les femelles. Chez les mâles stérilisés avant 6 mois la fréquence grimpe à 2S% et àll % si la stérilisation à lieu entre 6 et 12 mois. Pour ce qui est des femelles, on obtient 18% pour une stérilisation avant 6 mois et 11% pour une stérilisation entre 6 et 12 mois. Le Labrador semble avoir plus de chance. Les fréquences, que ce soit chez les mâles ou les femelles, sont de 6% chez les animaux intacts contre 13% chez les mâles stérilisés avant 6 mois et 11% chez les femelles stérilisées avant 12 mois.

PROCÉDURE DE DÉPISTAGE OFFICIELLE

Le seul moyen de dépistage reconnu à ce jour par la FCI est la radiographie du bassin de face, réalisée obligatoirement sous anesthésie générale après l’âge de 12 mois. La position du chien pendant cet examen est d’une importance capitale : chien couché sur dos bassin parfaitement à plat, avec les membres postérieurs en traction, les deux fémurs devant être strictement parallèles avec les rotules bien centrées sur les fémurs (on dit que les rotules sont au zénith).

L’informatique a révolutionné le monde de la radiologie et les clichés de dépistage ont considérablement bénéficié de ces progrès. Explosion des clichés numériques de haute qualité face aux vieux clichés argentiques grossiers. Développement d’outils informatique d’aide à la lecture et à l’interprétation de ces clichés. Bref, on est sorti de la préhistoire du dépistage et cette méthode est devenue infiniment plus pertinente qu’il y a quelques années encore.

Pourquoi l’anesthésie générale est-elle obligatoire? Elle seule permet réellement d’obtenir les conditions nécessaires à la réalisation de clichés conformes aux critères de qualité exigés. Par ailleurs, de nombreuses études ont clairement montrées que l’absence d’anesthésie faussait les résultats du cliché de dépistage. En effet, un chien non anesthésié, même s’il est calme et docile, va conserver un tonus musculaire qui va pousser la tête du fémur dans l’acétabulum et donc masquer partiellement une hyperlaxité. À titre d’exemple, on citera une étude menée sur un groupe de 11 000 chiens de différentes races et dont les résultats, qui ne seront pas détaillés ici, montrent clairement que le fait de réaliser le cliché de dépistage chez un chien réveillé majore nettement le taux de chiens indemnes et réduit significativement le taux des chiens cotés C, D ou E. De ce fait, la réalisation de l’examen sous anesthésie a été rendue obligatoire. Les chiens soumis au dépistage de la dysplasie sont des animaux jeunes, le plus souvent en bonne santé. Dans une telle population d’animaux, le risque anesthésique est tout à fait négligeable comparativement aux autres causes de mortalité accidentelle. À titre de repère, le risque anesthésique d’un sujet en bonne santé est chiffré à 1 sur 1000 000 en anesthésie humaine.

Enfin il faut préciser que, contrairement aux idées reçues, le cycle sexuel des chiennes n’influence en rien le résultat d’une radiographie de dépistage. Faute de place, on passera sous silence les preuves scientifiques.

LE DÉPISTAGE PRÉCOCE PAR MESURE DE L’INDICE DE DISTRACTION

Ce sujet n’a probablement plus la même acuité que par le passé, au temps où les clichés argentiques n’avaient pas permis de faire baisser significativement la fréquence de cette maladie. Malgré les progrès réalisés, la méthode de dépistage officielle conserve ses limites. Le bon positionnement de l’animal en est une. La seconde consiste dans le fait qu’un cliché radiologique est une image réalisée à un temps Tet n’a aucune caractéristique dynamique. Or l’hyper laxité est une donnée dynamique dans le temps, même si ce temps est bref, et ne peut donc, le plus souvent, pas être évalué à sa juste valeur par un simple cliché radiologique. Enfin, l’héritabilité: la radiographie de dépistage standard n’a de valeur qu’une fois l’âge de 12 mois passé. A cet âge un certain pourcentage de chiens sera déclaré indemnes par la méthode classique alors qu’ils sont en réalité dysplasiques, les facteurs environnementaux leur ayant été favorables empêchant la traduction clinique et radiologique de la maladie au moment où les clichés de dépistage ont été réalisés.

La méthode de dépistage précoce a été mise au point dès 1983 par le professeur Gail Smith de l’université de Pennsylvanie. Cette technique radiologique permet, dès l’âge de 4 mois, d’établir un indice objectif, mesurable et donc chiffrable, de la laxité de la hanche chez le chien: la méthode Pennhip (Pennsylvania Hip lmprovement Program). Cette méthode utilise un dispositif appelé« distracteur » et mesure une valeur appelée « l’indice de distraction ». On réalise, en une seule séance et sous anesthésie, une série de 3 clichés radiologiques pratiqués chez un chien couché sur le dos: un cliché standard permettant d’évaluer l’aspect anatomique de l’articulation, et deux clichés en position forcée, l’un en compression (on pousse volontairement les têtes fémorales au fond de l’acétabulum) et l’autre en « distraction » avec le distracteur placé entre les pattes arrière du chien (qui écarte activement les têtes fémorales du fond de l’acétabulum). On peut ainsi visualiser et mesurer le degré d’étirement maximum de l’articulation, le résultat obtenu étant appelé indice de distraction. On mesure en fait le déplacement du centre de la tête fémorale entre le cliché en compression et celui en distraction. Lorsque cet indice est de 0, l’emboitement de la tête fémorale dans l’acétabulum est parfait et il n’existe aucune hyper laxité. Un indice égal à 1 signe une luxation complète de la hanche.Les valeurs normales de l’indice de distraction ont été établies statistiquement pour chaque race. On peut résumer les diverses études réalisées sur le sujet comme suit. Un indice inférieur à 0,3 correspond à une hanche parfaitement saine. À l’inverse, un indice supérieur à 0,7 témoigne d’une dysplasie sévère. Entre 0,3 et 0,7, le risque est à corréler à la valeur moyenne de la race. Pour le Labrador et le Golden, des valeurs autour de 0,5 sont acceptables. Quelle reste la place de la méthode en 2023? C’est une vraie question. Elle garde son intérêt ne serait-ce que pour sélectionner les futurs chiens guides d’handicapés et de déficients visuels. Mais son développement dans un milieu plus large a ouvert la porte à d’autres travers. Rajoutez-y l’amélioration de la fiabilité de la méthode habituelle générée par l’imagerie informatique et vous comprendrez pourquoi, malgré ses limites, la méthode classique reste d’actualité.

CRITÈRES ACTUALISÉS DE LECTURE DES RADIOGRAPHIES.

L’interprétation d’un cliché de dépistage de dysplasie ne se résume pas, loin de là, à la seule mesure de l’angle de Norberg­ Olsson.

 

À quoi correspond cet angle ? Sa méthode de mesure a légèrement changé en 2006. Il unit deux lignes droites tracées sur la radiographie. La première unit toujours le centre géométrique des deux têtes fémorales. C’est la seconde qui a changé. Jadis elle allait du centre de chaque tête fémorale à

la pointe du rebord acétabulaire cranio-latéral correspondant. Depuis 2006 cette seconde ligne va du centre de la tête fémorale au point de jonction radiologique entre le rebord acétabulaire crânial et le rebord dorsal. L’illustration ci-dessus donne une idée un peu faussée de cet angle. Les deux droites évoquées sont en rouge, l’angle en bleu. Cette image fait toujours passer la seconde droite par la pointe du rebord crânio-latéral. Le point retenu depuis 2006 est un point radiologique, uniquement visible sur un cliché et non sur un squelette. Ce point peut ne pas être superposable au sommet du rebord crânio-latéral, repère retenu sur mon illustration, mais être situé un peu plus en dedans par rapport à lui. Ce changement, certes modeste, permet de mieux intégrer l’importance du recouvrement dorsal de la tête fémorale, de mieux« coller» à la réalité anatomique de la surface articulaire.

Mais bien d’autres critères sont pris en compte par le lecteur avant de donner son appréciation sous forme de cotation exprimée par une lettre allant de A à E. On considère que les chiens côtés A et B sont indemnes de dysplasie. De Cà E, ils présentent une dysplasie d’intensité croissante.

À la suite des progrès de l’imagerie radiologique déjà évoqués, on a pu établir des critères d’analyse de l’anatomie osseuse de la hanche beaucoup plus fins et précis permettant d’optimiser l’efficience de la lecture et la pertinence de la cotation. Ces nouveaux critères ont été ratifiés lors de la conférence internationale organisée par la FCI les 24 et 25 mai 2022 à Copenhague. Celle-ci réunissait les plus grands experts européens en la matière, la France étant représentée par le professeur Jean-Pierre Genevois à qui tous mes écrits sur la dysplasie doivent énormément. Il m’a fait l’amabilité de mettre à ma disposition la traduction de cette nouvelle grille qu’il a réalisée pour nos instances cynophiles nationales (voir plus bas). Elle me paraît beaucoup plus claire et fluide que la traduction littérale que j’en avais faite. Qu’il en soit ici chaleureusement remercié.

Le lecteur appréciera tout particulièrement, outre l’angle de Norberg-Olsson:

  • L’aspect des surfaces osseuses dont celui de l’os sous-chondral (os situé juste sous le cartilage articulaire) des rebords de l’acétabulum. Il recherchera des signes d’usure et de déformation ses extrémités articulaires.
  • L’aspect de l’interligne articulaire, cet espace situé entre les surfaces articulaires.
  • Le positionnement de la tête fémorale dans l’acétabulum qui donne une certaine idée de la laxité de l’articulation. Seront particulièrement observés le centrage de la tête fémorale dans l’acétabulum et la position du centre de celle-ci par rapport au rebord dorsal de l’acétabulum. Quand la hanche est saine, ce point est situé médialement par rapport au rebord dorsal c’est­ à-dire plus proche du centre de la radiographie que le rebord Plus l’articulation est hyperlaxe, plus le centre de la tête fémorale va se déplacer latéralement c’est-à-dire s’éloigner du centre du cliché pour dans les cas sévères être plus éloigné de ce centre que le rebord acétabulaire dorsal.

J’ai essayé de donner une idée de ce que le lecteur voit sur le cliché radiographique dans le dessin ci-dessous. Y sont notées les principales clés nécessaires à la compréhension des critères tels qu’énoncés plus bas.

Stade A
  • La tête fémorale est parfaitement centrée dans la cavité acétabulaire. L’interligne articulaire est étroit et régulier. Le contour de la tête fémorale est parallèle, ou pratiquement parallèle, au rebord acétabulaire crânial, sauf au niveau de la Fovéa Capitis (NDLR: petite fossette creusée au sommet de la tête fémorale dans laquelle se fixe le ligament rond).
  • L’os sous-chondral du rebord acétabulaire crânial est une ligne étroite d’épaisseur régulière. Dans les articulations coxo­ fémorales d’excellente qualité, l’image de cet os sous-chondral peut ne pas atteindre le rebord crânio-latéral de l’acétabulum.
  • Le rebord acétabulaire crânial est un arc de cercle bien délimité, parallèle au contour de la tête fémorale. Dans les articulations coxo-fémorales d’excellente qualité le rebord crânio-latéral de l’acétabulum entoure la tête fémorale caudo-latéralement. (NDLR: signifie que le rebord crânio­ latéral recouvre encore plus complètement la tête fémorale).
  • Le centre de la tête fémorale est médial au rebord acétabulaire dorsal. L’angle de Norberg-Olsson est d’environ 105°(à titre de référence).
  • Aucun signe d’arthrose n’est présent.
Stade B
  • La tête fémorale est centrée dans la cavité acétabulaire. L’interligne articulaire est étroit, mais le contour de la tête fémoral et le rebord acétabulaire crânial peuvent ne pas être parallèles.
  • L’os sous chondral du rebord acétabulaire crânial est une ligne étroite d’épaisseur régulière.
  • Dans sa partie latérale, le rebord acétabulaire crânial est horizontal. Il forme une ligne droite dans un pan
  • Le centre de la tête fémorale est médial ou situé sur la rebord acétabulaire L’angle de Norberg-Olsson est au moins de 100° (à titre de référence).
  • Aucun signe d’arthrose n’est présent.
Stade C
  • La tête fémorale n’est pas correctement centrée dans la cavité acétabulaire. Le contour de la tête fémorale et le rebord acétabulaire crânial sont divergents (non parallèles).
  • L’os sous chondral du rebord acétabulaire crânial peut présenter un léger épaississement latéral et/ou un léger amincissement médial.
  • Le rebord acétabulaire crânial est légèrement aplati, c’est-à­ dire qu’il s’éloigne crânio-latéralement de la tête fémorale. (NDLR : participe à la divergence évoquée dans la première ligne).
  • Le centre de la tête fémorale est situé sur le rebord acétabulaire dorsal, ou latéralement à ce dernier.
  • Une subluxation latérale ou caudale de la tête fémorale peut être présente.
  • L’angle de Norberg-Olsson est voisin de 100° (à titre de référence).
  • Des signes d’arthrose peuvent être présents.
Stade D
  • La tête fémorale n’est pas correctement centrée dans la cavité acétabulaire. Le contour de la tête fémorale et le rebord acétabulaire crânial sont nettement divergents.
  • L’os sous-chondral du rebord acétabulaire crânial présente un léger épaississement latéral et/ou un léger amincissement médial.
  • Le rebord acétabulaire crânial est aplati. Il s’écarte crânio­ latéralement de la tête fémorale.
  • Le centre de la tête fémorale est situé latéralement au rebord acétabulaire dorsal.
  • Une subluxation latérale ou caudale de la tête fémorale peut être présente.
  • L’angle de Norberg-Olsson est supérieur à 90° (à titre de référence).
  • Des signes d’arthrose peuvent être présents.
Stade E
  • Modifications marquées de l’articulation liées à la dysplasie. Un remodelage ou une déformation de l’acétabulum et/ou de la tête fémorale peuvent être présents.
  • Le contour de la tête fémorale et l’os sous-chondral du rebord acétabulaire crânial sont divergents. Le rebord acétabulaire crânial est aplati.
  • Le rebord acétabulaire crânial est épaissi latéralement, jusqu’à hauteur du rebord crânio-latéral. Cet épaississement du rebord acétabulaire crânial peut être absent lors de luxation de l’articulation.
  • Le rebord acétabulaire crânial est nettement Il s’écarte crânio-latéralement de la tête fémorale. Dans certains cas, le rebord crânio-latéral de l’acétabulum a disparu.
  • Le centre de la tête fémorale est situé latéralement au rebord acétabulaire dorsal.
  • Luxation ou subluxation de la tête fémorale.
  • L’angle de Norberg-Olsson est inférieur à 90° (à titre de référence).
  • Des signes d’arthrose peuvent être présents.

EN CONCLUSION

Compte-tenu de la complexité du mode de transmission génétique et du flou régnant autour cette question, l’incertitude est de mise et la maîtrise des risques environnementaux doit être la règle chez tous les chiots pendant leur croissance. Le meilleur moyen de limiter la diffusion de cette maladie reste le dépistage systématique des chiens reproducteurs et de n’utiliser que des animaux déclarés indemnes, eux-mêmes issus de reproducteurs indemnes, mais également, d’effectuer un contrôle a posteriori sur la descendance afin de se convaincre du patrimoine génétique des parents. Un petit tableau pour alimenter la réflexion:

 

Croisement entre : 1             Chien indemne

Chien dysplasique

Chien indemne

70% chiens indemnes

50% chiens indemnes

Chien dysplasique

50% chiens indemnes

7% chiens indemnes

Et pour finir, une petite phrase que j’aime bien, due à un ancien président de notre club, le baron Elie De Rothschild : « La dysplasie de hanche, c’est comme être enceinte. On n’est pas un peu enceinte, on l’est ou on ne l’est pas!!»

Avec mes plus vifs remerciements au professeur J.P.Genevois de l’école vétérinaire de Lyon. Merci pour son aide documentaire et sa grande patience à mon encontre au cours des nombreux échanges que nous avons sur ce sujet depuis tant d’années.

Synthèse, actualisation, illustration et rédaction

Dr. Jean-Marc Wurtz

POST-SCRIPTUM : LA DYSPLASIE COXOFÉMO­ RALE UNILATÉRALE ? UN LEURRE DÉCOULANT DES LIMITES DE LA MÉTHODE DE DÉPISTAGE OFFICIELLE.

Un cas de dysplasie soumis à discussion sur la page Facebook de notre club a récemment conduit à d’intenses échanges. Ils mettaient en lumière le doute qui subsiste dans certains esprits quant au caractère exclusivement génétique de cette affection avec notamment comme argument, la dysplasie unilatérale, ne touchant qu’une seule hanche.« Si c’est génétique, ça touche les deux côtés.Le fait qu’il y ait des chiens qui n’ont qu’une seule hanche de touchée prouve bien qu’il y a des dysplasies non génétiques». J’ai donc une fois de plus échangé sur le sujet avec le professeur Genevois et voici sa réponse.

Dans la quasi-totalité des cas, la dysplasie est bilatérale. Lorsque, chez un chien qui ne présente pas de développement arthrosique, une hanche parait normale sur la radio de dépistage alors que la hanche opposée est « déplacée » latéralement en raison de l’hyperlaxité, c’est tout simplement que la radio n’a pas mis en évidence l’hyperlaxité sur la hanche

qui apparait comme « saine ». Voici un exemple : sur cette radio d’un rottweiler femelle de 2 ans, la hanche située du côté gauche est dysplasique, alors que la hanche située du côté droit est parfaitement normale.

Sur cette seconde radio du même chien, prise dans la même série de clichés par le vétérinaire, on s’aperçoit que la hanche du côté droit est en fait aussi mauvaise que la gauche.

Pour rappel, la dysplasie est un problème de laxité excessive des articulations coxo-fémorales, ce qui signifie que les têtes fémorales peuvent« s’écarter» latéralement de manière plus ou moins importante par rapport à la cavité acétabulaire. La principale limite du procédé actuel de dépistage de la OH, la radio standard, est qu’il ne permet pas de mettre en évidence de manière systématique l’hyperlaxité coxo-fémorale. Au moment où l’on fait la radio, même sur un chien correctement anesthésié, il peut se faire que le déplacement ne se manifeste pas, le chien paraîtra normal. C’est un faux négatif, ou le déplacement ne se voit que d’un côté (comme dans notre exemple).

Chez des chiens qui présentent une OH unilatérale avec arthrose, l’affection est en fait bilatérale, comme le montre l’exemple ci-dessous (NDLR : Les radiographies jointes ne peuvent être publiées pour une raison de format). Sur la première radio la hanche du côté droit est très arthrosique et notée D, alors que la hanche du côté gauche est A. Sur la seconde radio, on s’aperçoit que la hanche du côté gauche présente une importante hyperlaxité et sera notée également D sur ce second cliché. On ne sait pas pourquoi, dans ce type de cas, l’arthrose touche plus fortement une articulation que l’autre, alors que le degré de laxité est symétrique. La règlementation FCI dit qu’en cas de radios multiples chez un même animal, c’est le cliché qui montre la laxité la plus prononcée qui doit être prise en compte pour la notation des hanches.